#LePapierDuMois | septembre 2024 : « Energy-efficient picosecond spin–orbit torque magnetization switching in ferro- and ferrimagnetic films »
Des chercheur·ses du Projet Ciblé TOAST se sont intéressé·es au retournement de l’aimantation par couples de spin-orbite dans leur dernier papier «Energy-efficient picosecond spin–orbit torque magnetization switching in ferro- and ferrimagnetic films » publié le 26 septembre dans Nature Nanotechnology
©Jon Gorchon, chercheur CNRS à l’Institut Jean Lamour,
L’utilisation du magnétisme (du spin) dans les technologies permet un nouveau degré de liberté par rapport à l’électronique conventionnelle, ainsi que de nouvelles fonctionnalités. En particulier, l’utilisation du spin pourrait servir à développer des dispositifs plus rapides et frugaux. Un point primordial pour augmenter la vitesse des dispositifs spintroniques est donc de pouvoir manipuler des aimants dans la gamme des térahertz et de bien comprendre la physique en jeu.
Pour ce faire, des chercheur·ses se sont intéressé·es au retournement de l’aimantation par couples de spin-orbite. Ce phénomène permet de retourner l’aimantation d’une couche magnétique en faisant passer un courant électrique à travers la couche, en exploitant des phénomènes dits de « spin-orbite ». En 2020, l’équipe démontrait la possibilité de retourner l’aimantation d’une fine couche de cobalt à l’aide d’une seule impulsion de 6 picosecondes, tout un record de vitesse (Jhuria et al., Nature Electronics 3, 680–686 (2020)). Dans cette étude, ils ont aussi démontré que le retournement était bien dû à des couples de spin-orbite ultra-rapides.
Depuis, une question centrale restait sans réponse : quelle est l’énergie nécessaire pour ce retournement avec des impulsions aussi courtes ? Bien que rapide, est-il encore économe en énergie ?
Ce travail, publié auparavant dans Diaz et al., Appl. Phys. Lett. 123, 141106 (2023), leur a permis de mesurer l’énergie portée par les impulsions électriques dans le régime picoseconde. Ils ont ensuite étendu la durée des impulsions jusqu’à dans le domaine des microsecondes en combinant plusieurs techniques différentes, et ils ont étendu l’étude à d’autres matériaux ferromagnétiques et ferrimagnétiques. Le résultat : une étude sur plus de 7 ordres de grandeur en durée d’impulsions, sur 3 différents matériaux, qui montre une tendance universelle sur la consommation d’énergie : plus l’impulsion est courte, plus le gain énergétique est grand ! De plus, les chercheurs ont comparé la consommation énergétique en utilisant des impulsions de courants et des impulsions de lumière, un autre phénomène connu sous le nom de retournement tout-optique de l’aimantation. Là aussi, les chercheurs ont démontré que les impulsions électriques picosecondes étaient plus économes en énergie. Finalement, un travail de simulations numériques leur a permis de comprendre que plus l’impulsion devient courte, plus le retournement va devenir cohérent, c’est-à-dire que l’aimantation de toutes les différentes parties de l’échantillon aura la même exacte dynamique (comme les musiciens synchronisés dans un orchestre).
Ce travail propose une nouvelle façon d’étudier le retournement de l’aimantation sur des gammes d’impulsions allant du Hz au THz. Les résultats montrent une tendance générale pour l’efficacité énergétique dans 3 échantillons de nature extrêmement différente. Ces résultats sont prometteurs dans le cadre du projet TOAST, car ils montrent que la manipulation d’information magnétique par des ondes THz est possible sur plusieurs systèmes, et toujours frugale
Co-auteur.es : Eva Diaz, Alberto Anadon, Pablo Olleros-Rodriguez, Harjinder Singh, Héloïse Damas, Paolo Perna, Martina Morassi, Aristide Lemaître, Michel Hehn